L'école des pères by Hervé Bazin

Auteur:Hervé Bazin [Bazin, Hervé]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2840570130
Éditeur: Éditions Corps 16

24

Il n’y a pas de quoi se morfondre. Il y a seulement de quoi être énervé : par les appréhensions d’Yvonne bardée de mémentos à l’approche du brevet, par l’air avantageux de Nicolas disposant des clefs de sa grand-mère, apparaissant, disparaissant, comme s’il était devenu le client de la pension Bretaudeau ; par les frictions, les chamailles entre ceux-ci et ceux-là ; par les divergences conjugales que soulevait une courte science de manier des ados ; par un zona de Mamoune, par la perte de mon portefeuille, par l’élection ric-rac de Giscard avec la voix de Mariette et sans la mienne.

Mais les examens survinrent et Louis se chargea du bouquet.

*

Déjà vexé de s’aligner avec sa sœur de deux ans moins âgée, il était parti passer l’écrit avec elle. Plus que d’ordinaire il avait cet aspect malingre, rétréci, pas content de lui, bobo Maman je suis pas beau, qu’il renie par moments d’un tour de cou pour faire le coquelet. En principe, après les épreuves, il devait se retrouver avec toute la bande des troisièmes pour la petite bouffe d’usage et les commentaires sur les épreuves qui coupent l’appétit de quelques-uns.

Personne ne l’a revu : pas plus l’après-midi que le soir dans le reflux des groupes discutant de plus belle et s’amenuisant à chaque coin de rue pour s’égailler tout à fait dans la ville et rejoindre avec des mines diverses des parents avides de pronostics. À dix-neuf heures, il n’était toujours pas là, et l’euphorie régnant dans le vivoir depuis la rentrée d’Yvonne satisfaite de ses copies faisait place à une anxieuse irritation quand le téléphone sonna. Je sautai sur le combiné, Mariette sur l’écouteur :

— Ici, Mathilde. Ne vous inquiétez pas. Louis a rendu une copie blanche et s’est aussitôt défilé pour gagner Liré en auto-stop. Dans l’état où il est, mieux vaut qu’il couche à la maison.

— Quel état ? cria Mariette.

— Il a fait les dix derniers kilomètres à pied.

Sur sa voix en brochaient d’autres, à peine distinctes : celle de Rose ou de Myrtille répétant : Dis-leur, mais dis-leur donc, et celle de Louis, bien reconnaissable car elle est en pleine mue et s’enroue à merveille : Ils ne m’écouteront pas, ils ne m’écoutent jamais. Je lançai :

— Pourquoi Liré ? Excusez-nous de cette irruption et passez-le-moi, s’il vous plaît.

— Je voudrais bien, reprit Mathilde, mais il n’ose pas. Il est effondré sur le canapé, il nous a débité son affaire, il dit que je l’expliquerai mieux que lui. En gros, il veut tout arrêter comme sa sœur…

La moutarde commençait à me monter au nez. Yane s’était confiée à ses parents ; Louis allait s’épancher dans le giron d’une étrangère.

— Apparemment, continuait Mathilde, pour lui rien ne va. Il dit, ce sont ses propres termes, qu’il s’entend mal avec lui-même, qu’il a souvent envie de porter plainte contre ce Bretaudeau-là, qu’il est incapable de le comprendre comme d’être compris…

Ce n’était pas là le style de Louis. Elle enjolivait, la brave dame, très satisfaite d’enchaîner :

— Bref,

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